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Les Charismes

Les Charismes

Les Charismes: Considérations d’ordre général et pratique

L’œuvre de l’Esprit, ce n’est pas seulement de reproduire en nous 1’« être de Jésus », mais aussi ses activités. Dans son suprême entretien avec ses apôtres, Jésus dit cette phrase mystérieuse: « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais; il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père» (Jn 14,12). Jésus n’a eu que trois ans de vie publique et charismatique et cela, sur une minuscule étendue de la terre. Après sa mort, il accomplira la promesse du Père d’envoyer l’Esprit afin de continuer son ministère et de susciter sa vie charismatique à travers ses membres, et cela sur l’étendue de toute la terre, jusqu’à la consommation des siècles ; c’est pourquoi il dit : « Vous ferez même de plus grandes œuvres que moi.» On peut dire que les charismes manifestent Jésus présent et actif par son Esprit au milieu de nous: « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous. Encore un peu, le monde ne me verra plus; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi» (Jn 14,19).

Tout au long de sa vie, Jésus est venu annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume en accomplissant une multitude de signes qui confirmaient sa Parole et, après sa résurrection, il envoie ses apôtres poursuivre sa mission dans le monde: « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné. Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon Nom, ils chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles, ils prendront dans leurs mains des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal; ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. Donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils partirent prêcher partout: le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient» (Mc 16,15 à 20).

Les charismes, ce sont donc ces « signes » qui confirment la Parole. Nous voudrions d’abord donner quelques considérations générales, nous plaçant toujours à un niveau pastoral et pratique [1].

1. Je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance  (1 Co 12,1)

En ce moment de l’histoire de l’Église où les charismes renaissent, il est important et urgent d’être informé. Il y a des chrétiens qui exercent les charismes un peu comme les Corinthiens : ils ont besoin d’être avertis afin d’éviter les pièges du Malin qui peut se transformer en ange de lumière et introduire son mensonge jusque dans les charismes Mais il y a une quantité énorme de chrétiens – on pourrait dire la plupart d’entre eux – qui ignorent totalement les charismes. Il y a enfin ceux qui ont peur; on peut se demander s’il n’y a pas là aussi une action perfide du Malin qui empêche les chrétiens de s’ouvrir à l’action de l’Esprit. Il est en effet curieux de constater que tant de personnes ne voient que le côté périphérique du Renouveau: des bras levés, des chants bizarres, des prières murmurées, etc. ; ils passent à côté de la réalité de l’Esprit. Une information sérieuse et aussi complète que possible est devenue une nécessité afin de ne pas étouffer l’Esprit ; là, en effet, se trouve le danger, danger tellement grand, qu’il risque de faire perdre à beaucoup « cette chance pour l’Église qu’est le Renouveau dans l’Esprit » (Paul VI). Heureusement, des études sur les charismes existent ; on les trouve dans les revues du Renouveau : « Tychique », « Bonne Nouvelle », « Cahiers du Renouveau », « Selon sa Parole », « Il est Vivant », et autres. Nous conseillons particulièrement l’étude du Père Albert de Monléon: « L’expérience des charismes » [2]. Comme toujours, la vérité se situe dans un juste milieu entre ceux qui ignorent ou rejettent et ceux qui se lancent dans la vie charismatique sans discernement. On est allé si loin dans cette ignorance des charismes que le mot « charismatique» est devenu suspect. Ci-dessous, nous voudrions dissiper des malentendus, démasquer des ambiguïtés et surtout montrer la vie charismatique « normale» dans l’Église. Nous ne ferons cependant qu’esquisser le sujet afin d’éveiller le désir de l’approfondir.

2. Approche d’une définition des charismes

Plus haut, nous avons ouvert le chemin à une définition en disant que l’Esprit voulait reproduire en nous l’activité de Jésus. Toute œuvre de l’Esprit manifeste le Christ Jésus dans ses membres. Les charismes sont une œuvre de l’Esprit qui manifeste Jésus d’une façon plus extérieure, plus visible, plus ponctuelle aussi, et parfois d’une façon extraordinaire. Ce sont donc des signes visibles ou audibles de la puissance et de l’amour de Dieu; ils sont donnés en vue de l’édification de l’Église, tandis que les dons, nous l’avons vu, sanctifient les membres de Jésus. Dans la réalité, cette division entre charismes et dons ne doit pas être poussée trop loin; entre eux il y a, en effet, une certaine interaction : les charismes ne doivent pas être séparés de la sanctification et les dons nous aident à exercer les charismes.

Voici une image qui nous fera mieux saisir les charismes: imaginons des ouvriers bâtissant une maison; ils ont chacun des outils, sans lesquels ils sont totalement incapables de la construire. Ainsi en va-t-il des charismes: ce sont des outils spirituels indispensables pour édifier le Corps du Christ suivant cette parole de Paul aux Éphésiens: « Et c’est de lui (le Christ) que le Corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour» (Ep 4,16). Et nous rejoignons ainsi la définition toute simple que Paul donne aux Corinthiens: « A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun» (1 Co 12,7). Dans les pages qui suivent, nous reprendrons les éléments de cette définition afin de les mettre mieux en lumière.

3. L’exercice des charismes fait partie de la vie normale de l’Église

On peut affirmer ceci: plus les charismes se déploient, plus l’Église est vivante, plus elle se construit; par contre, tout affaiblissement, ou vieillissement, ou tiédeur de l’Église vient d’un manque d’ouverture à l’Esprit. Il faut comprendre une fois pour toutes que ce n’est pas nous qui avons le pouvoir de construire l’Église. Celle-ci est née de l’Esprit à la Pentecôte; ce n’est que dans l’Esprit qu’elle pourra se renouveler. Sans les signes qui manifestent la puissance et l’amour de Dieu, il n’y a pas de croissance possible. Il ne faut pas nécessairement des signes extraordinaires; ainsi, une communauté vivant dans l’unité et l’amour est un signe de l’action de l’Esprit qui entraîne les tièdes et les incroyants. Mais lorsque les signes disparaissent, il y a contre-signe ; les églises alors se vident et les jeunes prennent de la distance; mais chaque fois qu’ils voient ou qu’ils entendent des témoins authentiques, ils accourent. Ce peut être simplement un couple de chrétiens mariés qui est signe de l’amour de Jésus pour l’Église ou une Mère Theresa de Calcutta: signe pour le monde entier de l’amour plus fort que la mort.

4. De la diversité des charismes

Nous possédons des listes de charismes (1 Co 12; R m 1 2,3-9 ; Ep 4,9-13 [3];

1 P 4,10-11) et nous constatons leur extrême diversité: il n’existe pas seulement des charismes extraordinaires comme le don des miracles, mais toute une série de charismes ordinaires qui, eux aussi, et quotidiennement, manifestent la puissance et l’amour de Dieu au milieu des hommes.

Nous décrirons plus loin ces charismes ordinaires si importants pour la vie de l’Église; ils sont parfois négligés au risque de ne plus regarder que les signes extraordinaires. Il faut nous guérir de ce besoin de rechercher le merveilleux. Dans le Renouveau, on dit souvent: « Il faut davantage regarder le donateur que les dons »; c’est une parole de sagesse. En effet, ce que Dieu veut à travers tout cela, c’est nousattirer à Lui, établir entre Lui et nous une communion d’amour: « L’amour ne disparaît jamais » (1 Co 13,8), mais les charismes prendront fin.

5. Il Y a des degrés divers dans un même charisme

L’action multiforme de l’Esprit ne se manifeste pas seulement dans la diversité des charismes qui ont chacun leur spécificité, mais encore dans les différences d’intensité ou d’évidence dans un même charisme. Ainsi quelqu’un peut donner une prophétie qui éclate comme un coup de tonnerre; une autre personne dira quelques mots à peine perçus qui pénètreront dans le secret des cœurs. Surtout, ne mesurons pas l’action de l’Esprit à sa manifestation extérieure; le plus souvent, en effet, ce sera une brise légère, une paix intérieure, manifestant sa présence et son action.

6. Les charismes sont pour chacun

Une mauvaise information en ce domaine entretient dans le peuple chrétien plus qu’une réserve; il y a même à son endroit un certain refus: ou bien l’on n’y voit qu’illusion, phénomènes parapsychologiques, ou bien on les croit grâces réservées à une élite, si bien que le chrétien ordinaire n’aurait rien à y voir.

Et cependant, en lisant les textes de l’Écriture, on constate que chaque membre du Christ doit travailler à la croissance du Corps tout entier: « Il y a diversité de dons, mais c’est le même Esprit; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur; divers modes d’action mais c’est le même Dieu qui produit tout en tous » (1 Co 12,4 à 6).

Plus loin, saint Paul développe longuement la comparaison du corps où chaque membre accomplit sa fonction pour le bien de l’ensemble… même le plus petit, le plus faible: « Bien plus, même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires » (1 Co 12-22). Refuser les charismes reviendrait à dire: « Je ne veux pas travailler pour le Royaume, je refuse l’outil qui m’est offert. »

Saint Pierre, dans un très court passage sur les charismes, confirme ce que dit saint Paul: « Chacun,selon le charisme reçu, mettez-vous au service les uns des autres, comme de bons intendants d’une multiple grâce de Dieu» (1 P 4,10).

7. Ils ne sont pas permanents

Alors que les dons sont permanents, les charismes sont donnés

«ponctuellement », pour telle situation, telle communauté, telle personne. On ne peut les provoquer; ils viennent d’une façon inattendue, parfois comme une tempête, parfois aussi comme une brise légère… L’Esprit agit quand il veut, où il veut, comme il veut.

8. Il faut les demander

Lorsqu’on a compris pourquoi les charismes sont donnés, on trouvera tout naturel de les demander. Saint Paul nous y invite: « Aspirez aux dons de l’Esprit, surtout à la prophétie» (1 Co 14,1 et 39). Si vraiment je suis au service du Royaume, je vais demander tout ce qui m’est nécessaire pour servir, pour construire. Par exemple, le don de prophétie peut s’exprimer simplement par des paroles qui « édifient », consolent, pacifient, relèvent, éclairent. N’avons-nous pas besoin chaque jour de ces paroles que l’Esprit nous souffle pour le plus grand bien des personnes rencontrées, plus particulièrement les malades, les paumés, les déprimés? C’est aussi simple que cela et une fois qu’on a compris le jeu de l’Esprit, on s’y livre sans résistance.

9. On ne peut séparer les charismes de l’Amour

Nous ne pouvons parler des charismes en général sans au moins faire mention du lien entre Amour et charismes. Saint Paul y consacre une page qui interpellera le monde jusqu’à sa fin (1 Co 13). Mais certains ont mal saisi l’intention de Paul en pensant que l’Amour était tout et que, donc, les charismes n’étaient plus nécessaires. Ce que Paul veut nous dire, c’est que les charismes exercés sans Amour ne sont plus rien. Pour reprendre la comparaison donnée plus haut: il ne suffit pas de l’Amour pour construire la maison, il faut aussi des outils dont on se servira avec amour.

10. Que pense l’Église des charismes?

Le Concile Vatican Il nous parle souvent de l’Esprit mais il nous parle aussi des charismes : un texte dans la « Constitution sur l’Église » et l’autre dans

« L’apostolat des laïcs». De ces textes, nous mettons en évidence les passages suivants qui confirment ce qui vient d’être dit:

  • « Mais le même Esprit… distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres « répartissant ses dons à son gré et à chacun » (1 Co 12,11), les grâces spéciales qui rendent aptes et disponibles pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Église. »
  • « Ces grâces (charismes), des plus éclatantes aux plus simples et aux plus largement diffusées, doivent être reçues avec actions de grâces. »
  • « Les dons extraordinaires ne doivent pas être témérairement recherchés.» L’Église ne les écarte pas, elle demande simplement la prudence et met l’accent sur les charismes ordinaires.
  • « De la réception de ces charismes, même les plus simples, résultent, pour chacun des croyants, le droit et le devoir de les exercer… »

Il faut faire connaître la pensée de l’Église et surtout ne pas se faire « sa petite idée à soi » sur les charismes.

SOURCE : P. Philippe, Afin que vous portiez beaucoup de fruits, T2, P. 153-161.

[1]  Lisons, relisons en priant les chapitres 12, 13, 14 de la 1ère épître aux Corinthiens, et soyons conscients que l’approche des charismes que nous faisons ici n’est qu’un début.

[2]  Supplément au n° 9 de Tychique et Cahiers du Renouveau

[3] Cette liste se réfère plutôt aux ministères quoique eux ont un lien avec les charismes; c’est pourquoi nous mentionnons Ep 4,9-12; mais notre article n’aborde pas la question délicate des ministères.  Voir à ce sujet: Tychique N° 33, dossier « Charismes-ministères».